Optimiser votre consommation en eau et préserver votre budget et la planète, c’est possible !

Par juillet 9, 2019Idées

Alors que l’Hexagone sort d’un épisode caniculaire historique, le Ministère de la Transition écologique vient de présenter les conclusions des Assises de l’eau : réduire les prélèvements de 25% en quinze ans, faciliter l’autorisation de nouveaux usages pour l’eau non conventionnelle[1], conserver les écosystèmes aquatiques ou encore, augmenter les financements dédiés à la gestion de l’eau. Evénement de plus en plus régulier au fil des années, cette vague de chaleur bouscule nos habitudes et impacte notre consommation en eau. Certes, les ressources restent suffisantes pour répondre aux besoins de la population mais des épisodes de sécheresse plus fréquents pourraient entraîner des pénuries à plus ou moins grande échelle. Mais qu’en est-il réellement ? Ce premier article fait le point sur la consommation en eau à l’échelle d’un ménage.

  1. L’eau en quelques chiffres : prélèvements, consommations et coûts en France et dans le monde

Prélèvements et consommations en eau varient selon les pays. Ces différences s’expliquent par le niveau de développement économique de chaque pays, la ressource elle-même, la densité de la population ainsi que sa répartition et l’usage principal de l’eau (Le Centre d’information sur l’eau, n.d.). Quelles quantités sont prélevées et consommées ? Qui sont les plus gros préleveurs ? Quels sont les principaux usages de l’eau dans le monde, en France et à l’échelle du ménage ? Le prix de l’eau en France est-il élevé ? Quelle part représente la consommation d’eau dans le budget d’un ménage français ?

Les volumes d’eau prélevés dans le monde et en France et les différents usages :

Dans le monde, en 2012, 3 890 milliards de m3 d’eau douce ont été prélevées (i.e. extraits du milieu naturel puis restitués et donc à nouveau disponibles). En Europe, ces prélèvements s’élèvent chaque année à 218 milliards de m3 (eaufrance, 2019; Le Centre d’information sur l’eau, n.d.). Cette eau est destinée à trois grands types d’usage, à savoir :

  • Les usages domestiques (ménages et activités tertiaires principalement) pour 10% ;
  • Les usages industriels pour 20% (p. ex., industries manufacturières et extractives, énergéticiens) ;
  • Les usages agricoles (agriculture et élevage) pour 70%.

En 2016, en France, près de 37 milliards de m3 d’eau douce ont été prélevés. Parmi eux, les cinq postes suivants représentent 99% des prélèvements (eaufrance, 2019) :

  • La production d’énergie et plus précisément pour le refroidissement des centrales électriques (56,2%) ;
  • L’alimentation en eau potable (14,6%) ;
  • L’alimentation des canaux (12,7%) ;
  • L’irrigation (8,6%) ;
  • L’industrie (6,8%).

Les prélèvements en eau français journaliers moyens par habitant, pour les usages domestiques, se situent légèrement en-dessous de la moyenne européenne. Par exemple, comme représenté sur la Figure 1, ils sont environ 2 fois plus faibles que ceux de la Norvège, mais restent 1,37 fois supérieurs à ceux de l’Allemagne. En comparaison à d’autres territoires, les prélèvements français sont un peu plus de 2 fois moins importants que ceux réalisés aux Etats-Unis mais reste presque 2 fois supérieurs à ceux de l’Inde (BIPE, 2015; eaufrance, 2019; Le Centre d’information sur l’eau, n.d.).

Figure 1 : Prélèvements en eau en Europe par habitant et par jour (Source : BIPE, 2015)

Prélèvement ne rime pas avec consommation. En effet, les volumes prélevés sont supérieurs aux volumes réellement consommés. Ces volumes consommés sont extraits du milieu naturel avant d’être utilisés, ils ne seront pas restitués à leur milieu. En France, 234 litres d’eau sont prélevés par personne et par jour alors que la consommation en eau potable journalière d’un Français a été estimée à 148 litres. Il y a donc un différentiel de 30% entre le volume prélevé et le volume consommé. Cette différence est due en partie à la vétusté des réseaux de distribution d’eau potable (fuites, manque d’entretien, évaporation).

Qu’en est-il de la consommation d’eau à l’échelle d’un ménage français ? Quels en sont les usages ?

Selon le Centre d’information sur l’eau, en France, la consommation en eau potable d’un ménage (2,5 personnes) s’élève à 120 m3 par an en moyenne. La Figure 2 représente la répartition de la consommation en eau du ménage selon différents usages. Cette répartition peut varier en fonction du matériel utilisé, de la manière dont il est réglé ainsi que des habitudes de consommation de chaque utilisateur. Les fuites peuvent également grandement influencer la quantité d’eau utilisée par un ménage, pouvant correspondre à 15 à 20% de l’eau consommée par le foyer (Le Centre d’information sur l’eau, n.d.).

Figure 2 : Répartition des différents usages de l’eau potable d’un ménage français (Source : Le Centre d’information sur l’eau, n.d.)

 

Dépenses en eau potable : A quel budget correspondent ces volumes consommés ?

En France, en 2015, le prix moyen des services d’eau et d’assainissement s’élevait à 3,52€ par m3 TTC et était inférieur de 13% à la moyenne européenne alors égale à 4,05€ par m3 TTC. Le prix au Danemark, qui était le plus élevé, était alors de 6,67€ par m3 TTC et le plus faible, en Italie, était égal à 1,35€ (BIPE, 2015). Plusieurs facteurs peuvent expliquer ces différences, parmi eux : le mode de gestion (public, privé ou mixte), la manière dont les coûts de gestion et de distribution sont facturés à la population (p. ex., redevance ou impôts) ou encore la disponibilité de la ressource sur le territoire (qualité et quantité) (Fp2e Aquae, 2011).

En 2013, un ménage dépensait en moyenne 151€ pour consommer de l’eau potable. Associé à l’assainissement, dont la dépense moyenne annuelle était de 176€ en 2013, ce poste de dépense représente depuis les années 2000 0,8% du budget du foyer (Figure 3) soit 317€ au total. La figure ci-dessous compare cette part par rapport aux autres postes de dépenses d’un ménage. Elle est 2,6 fois moins importante que la part du budget allouée aux télécommunications et 5,5 fois plus faible que celle dédiée à l’électricité, au gaz et au fuel par le ménage (BIPE, 2015).

Figure 3 : Graphique représentant la proportion des différents postes de dépenses dans le budget d’un ménage français en 2013 (Source : BIPE, 2015)

Bien que la consommation en eau ne soit pas un poste de dépenses majeur dans le budget des ménages, 88% des Français se disent attentifs à leur consommation en eau (Le Centre d’information sur l’eau, 2018). Mais quels sont les bons gestes à adopter pour réduire sa consommation en eau ?

 

  1. 12 gestes pour optimiser votre consommation en eau

En réponse à la Figure 2, des gestes simples peuvent réduire votre consommation d’eau à l’échelle de votre ménage. Ils sont présentés dans l’illustration ci-dessous .

Regroupés en thématiques (général, maison, extérieurs), ces gestes sont présentés par usage. Chaque usage rassemble une information sur la consommation, les gestes possibles pour diminuer cette consommation avec les impacts de ce geste sur votre consommation d’eau.

Le mode éco des machines à laver : un cycle plus long mais qui consomme moins, c’est possible ?

On se concentre ici sur la consommation en électricité. En effet, 80% de l’énergie consommée lors d’un cycle de lavage sert à chauffer l’eau. Les cycles éco fonctionnent avec une eau à une température maximale de 50 °C (contre min. 60°C en mode « normal ») et avec une vitesse de chauffage de l’eau plus faible. Bien que le cycle soit plus long, le total de l’énergie consommée au cours d’un cycle éco reste inférieur de 30% par rapport à un cycle normal.

Pour aller plus loin dans cette démarche, d’autres habitudes du quotidien permettent de réduire sa consommation d’eau. L’utilisation de gourdes d’eau à la place de bouteilles en plastique ou l’implantation de toilettes sèches en sont deux exemples. Votre mode de vie influe sur votre consommation en eau et à plus large échelle, également l’environnement : on parle d’eau virtuelle. En effet, vos choix de consommation énergétique, alimentaire, vestimentaire, etc. ont des impacts quantifiables sur la ressource en eau à l’échelle globale. Mais comment mesurer et évaluer cet impact ?

  1. Empreinte en eau, eau virtuelle : l’eau nécessaire à la production d’un bien de consommation 

La tomate que vous avez dans votre assiette semble petite. Pourtant, au moins 13 litres d’eau ont été nécessaires à sa production. Prendre conscience de l’eau virtuelle, c’est prendre conscience de l’impact de notre consommation quotidienne sur l’ensemble de la chaîne de production. Comme l’empreinte carbone, aujourd’hui beaucoup plus populaire et presque systématiquement évaluée par nos industries, « l’empreinte eau » se fait plus timidement une place dans les débats.

L’eau virtuelle, ou l’association des notions de commerce international et de stress hydrique.

L’eau virtuelle est définie comme « l’ensemble des consommations d’eau nécessaire à une production, agricole ou industrielle, ou à un service » (Le Centre d’Information sur l’Eau). On estime qu’un cinquième de l’eau consommée dans le monde est virtuelle.

L’eau virtuelle : un concept pour analyser le potentiel en eau à l’échelle d’un pays

La notion d’eau virtuelle est apparue au début des années 90, à l’initiative du professeur John Anthony Allan, du King’s College de Londres, qui s’intéressait au rapport étroit qui lie pénurie d’eau et échanges internationaux. L’idée est simple : un pays en stress hydrique pourrait décider d’importer les biens nécessitant une forte ressource en eau pour leur production afin d’éviter d’aggraver la pénurie et donc éviter une guerre de l’eau dans la région. Le besoin en eau est ainsi déplacé et échangé entre Etats. De ce fait, les grands pays exportateurs de produits agricoles (Canada, Etats-Unis, Australie, Brésil et France) deviennent exportateurs d’eau virtuelle. A l’inverse, les principaux importateurs en eau virtuelle sont les Etats du Proche et du Moyen Orient ainsi que la Chine, déficitaire en produits agricoles.

L’apparition d’un indicateur

C’est dans les années 2000 que le concept d’empreinte eau est apparu. L’idée était de créer un indicateur reconnu auprès de l’UNESCO et permettant des comparaisons à l’échelle mondiale. C’est le Water Footprint Network, association à but non lucratif néerlandaise dédiée à la sensibilisation des citoyens et des administrateurs au problème de la consommation d’eau douce, qui le développe. L’empreinte eau globale d’un Etat est égale au volume d’eau douce nécessaire pour la production des biens ou des services consommés par ses habitants. Un individu ou un pays qui consomme plus d’eau virtuelle que ce dont il dispose doit donc en importer pour combler ses besoins. Il est possible d’évaluer l’empreinte eau d’une personne, d’un pays ou d’un produit.

A l’échelle mondiale, le Water Footprint Network estime qu’en moyenne, un humain utilise 1243 m3 d’eau par an, avec des fluctuations à l’international allant de 2483 m3 par personne par an aux Etats Unis à 702 m3 en Chine.

L’empreinte eau d’un pays est déterminée par trois facteurs différents :

  • Le volume global de la consommation directement relié à la richesse d’un pays : cela explique en partie pourquoi des pays comme les Etats-Unis, l’Espagne ou la Suisse arrivent en tête ;
  • Le mode de vie des habitants : une alimentation riche en viande ou une consommation forte en bien industriels augmente considérablement l’empreinte d’un pays ;
  • Le climat: dans les pays chauds, l’évaporation et donc la consommation d’eau pour l’agriculture est particulièrement élevée.

C’est pourquoi le Soudan (avec 2 214 m³/personne/an), le Sénégal ou la Syrie affichent des empreintes sur l’eau élevées. Aussi, la plupart de ces pays aux conditions climatiques défavorables, ont des pratiques agricoles particulièrement coûteuses en eau.

Pour les produits, voici ci-dessous quelques références en termes de litres d’eau nécessaires pour la production d’un kilogramme de produit (source : Water Footprints of Nations, 2007) :

Produit Moyenne globale (L/kg)
Café 20 682
Viande bovine 15 497
Coton 8 242
Riz 2 975
Lait 990

 

La méthode de calcul

Le calcul de l’empreinte eau d’un pays comprend deux parties :

  • L’empreinte interne, c’est-à-dire la somme des consommations en eau des secteurs agricoles (eau pluviale et d’irrigation incluses), industriels et domestiques minorées des exportations d’eau virtuelle vers les autres pays.
  • L’empreinte externe, c’est-à-dire la différence entre le volume d’eau virtuelle importée et le volume d’eau virtuelle exportée.

Les flux d’eau virtuelle entre pays sont estimés en multipliant les flux commerciaux en biens par leur volume en eau virtuelle.

Si le concept reste très pertinent et que le Water Footprint Network, cherche à faire progresser ses méthodes de calcul, l’approche retenue est souvent contestée par la communauté scientifique internationale.

Les limites du concept

Indicateur essentiellement quantitatif, il est accusé de ne pas prendre en compte les différences en termes de richesse des pays, stress hydrique et du type d’eau utilisée pour la production des produits.

Par exemple, pour la production d’un verre de vin, le Water Footprint Network estime qu’il faut 140 litres d’eau. Perfectible, cette mesure ne tient pas compte des différences de besoins en irrigation entre les régions viticoles. Pour y pallier, des initiatives individuelles apparaissent. Par exemple le groupe italien Mutti, producteur de sauces, a souhaité s’associer avec le WWF pour évaluer son empreinte eau totale, incluant la quantité d’eau nécessaire pour la culture ou pour la fabrication des emballages. Cette initiative pourrait-elle être globalisée à tous les secteurs d’activité ?

Vertigo Lab travaille depuis plusieurs années sur le développement d’un système de comptabilité économico-environnementale et sur l’élaboration de modèles économiques basés sur ce système comptable. C’est par exemple le cas du modèle ImpacTer. Celui-ci permet d’évaluer les impacts socioéconomiques (chiffre d’affaires, valeur ajoutée, emplois créés, revenu des ménages) et environnementaux (p.ex., émissions de GES, génération de déchets, prélèvement d’eau) afin d’identifier des pistes d’actions pour optimiser les retombées socio-économiques tout en intégrant les contraintes environnementales. L’intérêt de ce modèle est de ne pas se focaliser seulement sur les impacts directs, mais d’intégrer aussi les effets d’entraînement qu’une activité peut avoir sur l’ensemble des activités positionnées dans sa chaîne de valeur (impacts indirects).

Si le modèle n’a pas encore été exploité pour le secteur de l’eau, il pourrait permettre d’évaluer, à l’échelle d’un bassin versant par exemple, les retombées socio-économiques et hydrologiques des politiques de l’eau pratiquées sur le territoire. Le modèle pourrait également permettre de déterminer les degrés de dépendance d’une économie régionale à la disponibilité et à la qualité de la ressource locale en eau. Ces outils faciliteraient l’arbitrage de cette ressource dans l’aide à la décision pour les politiques publiques locales de l’eau.

 

[1] Eaux usées traitées, eaux de pluie, eaux d’exhaure, eaux grises, etc.

 

Water Footprint Network (Water Resource Manage 2007) https://waterfootprint.org/en/

Eau virtuelle et empreinte eau : qu’est-ce que c’est ? https://www.cieau.com/le-metier-de-leau/ressource-en-eau-eau-potable-eaux-usees/eau-virtuelle-empreinte-eau-quest-ce-que-cest/

L’empreinte eau, le nouvel indicateur pour mesurer le gaspillage d’eau douce https://reporterre.net/L-empreinte-eau-le-nouvel

Empreinte H2O http://www.empreinteh2o.com

Y. Hoekstra·A. K. Chapagain, Water footprints of nations: Water use by people as afunction of their consumption pattern (2007) 

BIPE, 2015. Les services publics d’eau et d’assainissement en France – Données économiques, sociales et environnementales.

eaufrance, 2019. BULLETIN N°5 : PRELEVEMENTS QUANTITATIFS SUR LA RESSOURCE EN EAU.

Fp2e Aquae, 2011. Les prix du m3 d’eau en Europe.

Le Centre d’information sur l’eau, 2018. LES FRANÇAIS ET L’EAU – Enquête nationale 2018.

Le Centre d’information sur l’eau, n.d. Comment l’eau est-elle préleve et utilisée dans le monde ? https://www.cieau.com/le-metier-de-leau/ressource-en-eau-eau-potable-eaux-usees/comment-leau-est-elle-prelevee-et-utilisee-dans-le-monde

Le Centre d’information sur l’eau, n.d. Quelle est la consommation d’eau moyenne par ménage ? https://www.cieau.com/le-metier-de-leau/ressource-en-eau-eau-potable-eaux-usees/quels-sont-les-usages-domestiques-de-leau/

7 conseils pour réduire votre consommation d’eau https://www.dossierfamilial.com/vie-pratique/economies/7-conseils-pour-reduire-votre-consommation-deau-342685

Enquête. Comment consommez-vous l’eau ? https://www.irstea.fr/fr/toutes-les-actualites/eaux/enquete-comment-consommez-vous-leau

Consommation d’eau : les astuces pour faire des économies – Comment réduire sa consommation d’eau grâce à des gestes simples ? https://www.lenergietoutcompris.fr/actualites-et-informations/economies-energie/consommation-d-eau-les-astuces-pour-faire-des-economies-47654

Note technique – Mesures des consommations d’électricité des différents cycles des lave-vaisselle http://blog.amoes.com/public/2015/NT15-05_Interets_cycles_ECO_LV.pdf

Les gestes Eco-citoyens pour préserver l’eau http://www.eau-artois-picardie.fr/education-leau-dossiers-thematiques/gestes-eco-citoyens