Principalement connu pour son principe d’imitation des formes et des matières observées dans le vivant, le biomimétisme est un levier à fort potentiel pour concevoir des solutions innovantes au service de la transition écologique et énergétique de nos territoires et de nos organisations. A condition d’engager un développement bioinspiré, construit sur le vivant.
Trois niveaux d »inspiration tirés du vivant au service de l’innovation dans les sociétés humaines
Du grec « bio », vie, et « mimesis », l’action de reproduire ou de figurer et d’imaginer les choses, le biomimétisme est défini comme « l’innovation inspirée par la nature » selon Janine M. Benyus (1997). S’inspirer du vivant repose à l’origine sur son observation. De cette observation émerge un ensemble de propriétés remarquables qui peuvent inspirer l’homme à trois niveaux pour trouver des solutions aux problèmes qu’il cherche à résoudre :
– La forme adoptée par les êtres vivants. Le velcro, système de fixation auto-agrippant, a par exemple été inspiré par des fleurs de la bardane. Autre exemple, les ingénieurs travaillant sur le train japonais Shinkansen se sont inspirés de la forme du bec et de la tête du martin-pêcheur pour concevoir l’avant du train. L’adoption de cette nouvelle forme a permis une réduction de 15% de la consommation d’électricité et une augmentation de la vitesse du train de 10%.
– Les procédés et matériaux présents dans la nature, notamment les processus de fabrication des matériaux. Par exemple, les coquillages sont particulièrement intéressants car ils utilisent le CO2 comme matériau de construction. Cela pourrait inspirer un biociment fixateur de C02. Autre exemple d’inspiration tirée du vivant : l’industrie aéronautique s’intéresse de près à la peau de requin, pour son « effet riblet » : des micro-rainures à sa surface maintiennent l »eau près du corps, diminuant la résistance du fluide et améliorant l’hydrodynamisme. Reproduire ce phénomène sur les surfaces extérieures des avions améliorerait leur performance tout en réduisant la consommation énergétique. Enfin, imiter le phénomène de la photosynthèse permettrait d’innover dans la production de l’énergie solaire en concevant des cellules photovoltaïques à faible impact environnemental.
– La systémique et les interactions entre les espèces et les écosystèmes. Cela regroupe à la fois les interactions que les espèces entretiennent entre elles et les effets de symbiose qui existent dans le fonctionnement global des écosystèmes naturels. Les forêts et les récifs coralliens sont des exemples d’écosystèmes qui reposent sur un ensemble d’interrelations complexes assurant la pérennité du système à long terme.
Un point de vigilance est que s’inspirer du vivant ne garantit pas forcément la conception de solutions qui participent à un développement durable de la société. En effet, le biomimétisme pourrait privilégier l’efficience ou l’efficacité de technologies maîtrisées, sans se préoccuper des impacts générés sur l’environnement. Ainsi, si les exemples de biomimétisme sont très anciens, faire entrer en résonance la démarche avec le développement durable est beaucoup plus récent et date des travaux de J.M. Benyus.
Les six principes clés du fonctionnement du vivant au service de la résilience et de la transition écologique et énergétique selon Vertigo Lab
Le biomimétisme s’est de fait surtout traduit jusqu’à maintenant par la reproduction des formes ou des procédés et des processus de fabrication de matériaux observés dans le vivant pour innover dans les domaines techniques et technologiques. Chez Vertigo Lab, nous sommes convaincus que le vivant est aussi source d’inspiration pour innover à l’échelle de nos organisations, nos entreprises et nos territoires et qu’il convient de dépasser ces pratiques de biomimétisme isolées et centrées sur l’innovation technologique et technique pour se concentrer sur un champ d’inspiration encore peu exploité : le vivant en tant que système dynamique organisé autour d’interrelations entre espèces et écosystèmes.
En effet, bon nombre d’espèces vivantes et d’écosystèmes ont su se créer des conditions de vie pérennes et se développer sainement depuis des millions d’années. En témoignent les forêts tropicales et les récifs coralliens. Comme le rappelle Gilles Boeuf [1], « il est important de rappeler l’étonnante résilience du monde vivant, résilience dont on gagnerait sans doute à s’inspirer davantage ». C’est bien cette orientation qu’a également retenue le Conseil Economique Social et Environnemental : « vivre et créer les conditions nécessaires à la poursuite de la vie, voilà la feuille de route du vivant. Elle rejoint en cela celle du développement durable. Au moment où s’engagent les transitions écologiques et énergétiques, ces facultés de la nature peuvent donc nous aider à innover durablement ». [2] Le rapport insiste en outre sur l’importance de s’intéresser en priorité aux équilibres complexes des écosystèmes : « chercher à imiter ou plus modestement à s’inspirer des écosystèmes et des interrelations extrêmement complexes qui les caractérisent constitue le stade le plus ambitieux du biomimétisme, mais aussi le plus potentiellement impactant. »
Cette capacité à créer les conditions propices à la vie s’est construite sur un ensemble de principes de fonctionnement naturellement mis en œuvre de façon concomitante. Pour Vertigo Lab, six principes de fonctionnement sont clés pour guider les projets de développement des territoires, des entreprises et des organisations :
- La nature fonctionne par cycle : les éléments constitutifs des écosystèmes sont reliés par des échanges cycliques de matière et d »énergie. Notamment, la nature recycle tout ce qu’elle produit : chaque déchet produit par une espèce va être recyclé comme matière première par une autre.
- La nature optimise l’utilisation de ressources et de moyens : elle est efficace, efficiente et évite les pertes et les gaspillages.
- La nature privilégie l’utilisation des ressources locales : elle privilégie les interactions locales et s’approvisionne localement.
- La nature utilise majoritairement des énergies de flux (principalement l’énergie solaire) et pas ou très peu d’énergies de ressources ou de stock telles que les énergies fossiles.
- La nature repose sur des équilibres dynamiques et interconnectés : les éléments constitutifs des écosystèmes sont multifonctionnels, remplissent des fonctions clés et sont essentiels pour conserver l’ensemble des processus. Ils fonctionnent, interagissent et sont interconnectés.
- La nature innove en permanence au service de la résilience et de la diversité : elle utilise les contraintes comme des opportunités.
Nous préférons ainsi parler de bioinspiration pour réunir à la fois l’exigence de durabilité et le principe de fonctionnement systémique et dynamique du vivant dans la démarche d’inspiration. En plaçant la bioinspiration au cœur de sa démarche, Vertigo Lab accompagne les territoires et les organisations dans la construction de leurs projets de développement de territoires et d’organisations pour activer la transition écologique et énergétique, avec efficience et efficacité. A suivre…
[1] Gilles Bœuf, Actes du colloque « recherches bio-inspirées » ; CGDD, décembre 2012, Références, juillet 2013. Disponible à : http://www.developpement-durable.gouv.fr/IMG/pdf/130725-Actes_biomimetisme-complet.pdf
[2] CESE (2015), « Le biomimétisme : s’inspirer de la nature pour innover durablement ». Note du 9 septembre 2015