Chaque semaine, le Lab partage avec vous une actualité, un projet ou un document qui a retenu son intérêt. Cette semaine, nous nous intéressons au lancement du Coopek, monnaie complémentaire numérique qui se présente comme la monnaie des quatre transitions : alimentaire, énergétique, carbone et sociale.
La semaine dernière, une nouvelle venue a fait son apparition dans le paysage des monnaies complémentaires françaises : le Coopek.
Les monnaies complémentaires sont des monnaies adossées à la monnaie officielle du pays. Elles peuvent se présenter sous un format papier ou numérique, et circuler au sein d’un large périmètre, ou bien être ancrée localement. Le spectre des monnaies complémentaires est large ; tout comme la diversité de leurs objectifs. On peut en effet distinguer : des monnaies locales portées par des collectifs citoyens visant à favoriser la relocalisation de l’économie et les échanges sur le territoire ; des monnaies numériques favorisant l’économie circulaire et le troc ; des monnaies encourageant les éco-gestes et la consommation responsable, ou encore le développement de filières telles que les énergies renouvelables. Toutes n’ont pas une ambition environnementale forte. L’étude que nous menons actuellement pour l’ADEME se penche ainsi sur l’impact environnemental de ces différentes catégories de monnaies, ainsi que sur leur efficacité économique. Cette étude fournira des clés d’analyse et de compréhension de ces monnaies en plein développement [1].
Le Coopek, « une monnaie nationale d’intérêt local »
Le Coopek, projet dont la réflexion a débuté en 2013, se différencie des monnaies locales complémentaires, comme Sol, tout d’abord par son périmètre. Selon l’un de ses fondateurs, Gérard Poujade, interrogé par Reporterre[2], le Coopek est une monnaie « au fonctionnement national mais d’intérêt local ». Il sera ainsi possible pour les utilisateurs de la monnaie de dépenser leurs Coopeks dans un réseau de prestataires nationaux. Réussir à élargir leurs boucles d’échanges et à intégrer une grande diversité de prestataires constitue un véritable enjeu pour le développement des monnaies locales ; le Coopek et son périmètre national peut plus facilement s’affranchir de cette limite. Il sera ainsi plus facile pour les commerçants de régler leurs fournisseurs en monnaie locale et une plus grande diversité de produits seront réglables en monnaie complémentaire. La dimension numérique du Coopek devrait également faciliter sa circulation. Autre différence notable avec les monnaies locales, le Coopek n’est pas porté par une association mais par une société coopérative d’intérêt collectif (SCIC), ce qui lui permet de se doter de fonds propres et d’être moins dépendante de financements extérieurs tout en partageant des valeurs proches à celles portées par les associations citoyennes de monnaie locale. Enfin, et il est intéressant de le noter, le Coopek ne se veut pas concurrent des monnaies locales existantes, mais plutôt complémentaire à ces dernières du fait de son échelle d’application
Soutenir des projets de territoire au service de la transition écologique et énergétique
Le Coopek a trois grandes ambitions :
- Développer une nouvelle économie sans délocalisation ni spéculation ;
- Lutter contre la pauvreté en favorisant la création d’activité et de PIB local ;
- Être la monnaie des quatre transitions (alimentaire, énergétique, sociale et carbone) grâce au financement privilégié de projets de rénovation énergétique, de biodiversité, de dynamisation du tissu socio-économique local et de compensation ou de réduction de l’empreinte carbone.
Pour financer des projets portant sur ces quatre transitions, différents outils adossés au Coopek vont permettre de mobiliser des fonds. Tout d’abord, lorsque l’utilisateur échangera ses euros contre des Coopeks, 5% de la somme seront versés à un fonds de dotation, Ecodota, qui effectue des donations à des projets ayant pour objectif la « régénération des écosystèmes écologiques, sociaux et économiques »[3]. Les projets proposés doivent contribuer à la création d’emplois et à l’insertion économique dans des activités ayant un impact positif sur les enjeux environnementaux. L’utilisateur pourra alors choisir en ligne le projet qu’il souhaite soutenir. De plus, les euros changés en Coopeks seront placés sur un fonds de garantie déposé à la NEF, coopérative de finance solidaire, soutient des projets de transition. Enfin, il sera possible pour les associations et les entreprises de faire des emprunts à taux zéro auprès de la SCIC afin de monter des projets répondant aux valeurs du Coopek.
Une nouvelle étape pour les monnaies locales et complémentaires ?
Les monnaies locales et complémentaires constituent aujourd’hui un outil de réappropriation de la monnaie, d’engagement citoyen et de mobilisation. Elles mettent en avant pour la plupart d’entre elles des aménités environnementales intéressantes (promotion des circuits courts [4], de l’agriculture biologique, etc.), les impacts environnementaux des monnaies locales et complémentaires sont encore peu mesurés à ce jour, faute notamment de méthodologies d’évaluation, de temps et de moyens à consacrer à cette évaluation. Les impacts environnementaux des dispositifs relèvent ainsi souvent de la sensibilisation des utilisateurs.
Le Coopek, avec son choix de modèle économique, de fonctionnement et son approche méthodologique apporte une nouvelle dimension aux monnaies locales et complémentaires. En s’appuyant sur un réseau national, un système de prêt à taux zéro et un fonds de dotation, le dispositif vise à soutenir de manière concrète et à grande échelle des projets présélectionnés pour leur impact positif sur l’environnement. Ces projets doivent répondre à des critères de sélection détaillés au sein d’un cahier des charges. En outre, le Coopek a développé une méthodologie d’évaluation d’impact qui sera intéressante pour analyser son action.
Ainsi, le Coopek, en dépassant certaines limites des monnaies complémentaires (périmètre limité du réseau et des prestataires, stratégie de soutien à des projets de transition ou encore évaluation des impacts socio-économiques et environnementaux), semble pouvoir constituer un outil au service de la transition écologique et énergétique particulièrement intéressant. Suivre son développement et les retombées qui en découleront permettront d’apporter des éléments nouveaux à la réflexion sur le rôle et le potentiel des monnaies complémentaires. A suivre donc . . .
[1] Les monnaies locales se multiplient notamment sur le territoire français, cf la carte suivante : http://monnaie-locale-complementaire.net/france/
[2] L’article de Reporterre sur le Coopek est disponible ici : https://reporterre.net/Juste-lance-le-coopek-est-la-premiere-monnaie-nationale-d-interet-local
[3] Pour en savoir plus sur ce fonds de dotations : http://www.ecodata.org/
[4] Par ailleurs, les circuits courts n’induisent pas obligatoirement des impacts environnementaux positifs, comme expliqué dans une étude sur les circuits courts publiée par l’ADEME en 2012.