Les vins bio sauveront-ils l’avenir de notre terroir ?

Par décembre 17, 2019Idées

De la « boisson la plus saine et la plus hygiénique qui soit » datant du XXème siècle aux récentes études consommateurs sur les analyses en résidus pesticides dans le produit final, le vin est un produit de plaisir qui suit et subit les évolutions sociétales depuis maintenant plusieurs décennies.

Dans une société en quête de sens, peuplée d’un nombre de consommateurs en augmentation continue, le vin bio arrive comme une solution vertueuse qui répond aux enjeux de durabilité de notre ère :

  • Une diminution des produits phytosanitaires appliqués à la vigne qui limite l’empreinte environnementale;
  • Une diminution des résidus au sein du produit final qui propose aux consommateurs des produits sains;
  • Une meilleure rémunération du vigneron qui pérennise son activité et, à plus large échelle, l’économie d’un territoire.

Depuis quelques années, l’essor des labels en viticulture cherche à matérialiser cette solution aux yeux du consommateur mais leur multiplicité peut entraîner confusion et indécision : Agriculture biologique, Bee Friendly, Terra Vitis, biodynamique, naturels, sans sulfites, haute valeur environnementale, etc. Quelle différence entre ces labels ? Quelle pertinence pour le consommateur ? Quelle durabilité et quels impacts sur la filière viticole ? Zoom sur les vins « bios ».

 

La famille des vins bios : quels labels pour quelles causes ?

Entre marques commerciales, Appellation d’Origine Contrôlée, Agriculture biologique, certification Haute Valeur Environnementale, il est parfois compliqué de savoir quel produit on achète et quelles valeurs sont défendues à travers notre acte d’achat : zoom sur les vins bios.

1.    Un cahier des charges pour un engagement

Ces différents labels défendent des valeurs et priorités différentes. Sous la famille « vins bios », tous ont en commun de défendre une viticulture sans produits chimiques de synthèse. Critère prioritaire et indispensable au label « Agriculture Biologique » de la commission européenne, il concerne essentiellement les opérations réalisées dans les vignes ; le vigneron dispose d’une certaine souplesse concernant les opérations réalisées. En poussant l’analyse à un degré supérieur, on distingue trois sous-groupes au sein des vins bios :

  • Les labels Nature & Progrès ou Biocohérence sont porteurs de valeurs environnementales et locales. En plus de reprendre le cahier des charges de l’Agriculture Biologique, ces labels intègrent également des opérations concernant la vinification. Autre critère distinctif majeur face à l’agriculture biologique européenne et française, la commercialisation des vins doit se faire par magasins spécialisés et à une échelle territoriale locale (les grandes surfaces et circuits dits « longs » ne sont pas des canaux de distribution autorisés) ;
  • La marque collective Demeter et le label Biodyvin défendront les valeurs de la biodynamie appliquées à la viticulture. La biodynamie est une forme d’agriculture biologique qui repose sur une vision cyclique et holistique de l’agriculture : la diversification agricole au sein d’une même exploitation est privilégiée pour atteindre une autonomie de l’exploitation et la considérer comme un écosystème vivant ;
  • Toujours dans la recherche d’un produit vertueux pour l’environnement, les vins naturels sont biologiques ou biodynamiques en plus d’être vertueux pour la santé du consommateur: ils sont vinifiés et mis en bouteille sans aucun intrant ni additif. L’ajout de souffre n’est pas autorisé pour les vins « Sans Aucun Intrant Ni Sulfite » ou S.A.I.N.S. ; elle est très limitée pour les vins logotés « Association des Vins Naturels » ou AVN ;
  • Les certifications environnementales de type HVE soulignent particulièrement la démarche globale de l’exploitation viticole pour le respect de son environnement : le volet biodiversité est particulièrement important en comparaison des autres labels mentionnés ci-dessus. La certification Terra Vitis est une certification Haute Valeur Environnementale de niveau 2 reconnue par l’Etat pour la viticulture

Tous porteurs de valeurs vertueuses pour la santé et l’environnement, ces labels sont initiés, portés et gérés par des acteurs différents : quelques éléments d’information pour discuter de la garantie de ses valeurs pour le consommateur.

1.    Marques collectives, certifications, SIQO, etc. : quelle gouvernance pour quelle garantie ?

La dénomination « label » regroupe à la fois les SIQO, les marques collectives, les engagements Trois grands systèmes de gouvernance ont été identifiés

  • Seuls le label Agriculture Biologique fait partie des Signes d’Identification de la Qualité et de l’Origine (SIQO) et se retrouve soumis à une gouvernance multipartite reconnue à l’échelle nationale et internationale: la rédaction du cahier des charges, le contrôle de sa mise en œuvre, la production de raisins et de vins sont, respectivement, sous la responsabilité de l’INAO (cf. encadré ci-après), de l’organisme certificateur et du viticulteur.
  • Les vins logotés Nature & Progrès ou Biocohérence, biodynamiques (Demeter, Biodyvin) et naturels (AVN, S.A.I.N.S.) répondent à un cahier des charges rédigé par les associations, fédérations ou syndicats porteurs de leurs valeurs.

Le contrôle du respect et de la mise en œuvre de ces cahiers des charges est sous la responsabilité d’un organisme certificateur reconnu et indépendant agréés par l’INAO pour le label Biodyvin, Nature & Progrès et Biocohérence ; il est géré par l’association Demeter elle-même pour la marque collective éponyme.

Les vins naturels, quant à eux, sont intégralement gérés par l’association porteuse du cahier des charges.

  • Les vins certifiés « Terra Vitis » ou « HVE3 » répondent à un cahier des charges rédigé par le Ministère de l’Agriculture et soulignent l’investissement de l’exploitation dans une démarche globale de développement durable. Cette certification est délivrée par l’Etat via un organisme certificateur également agréé par l’Etat. Tout comme les vins sous SIQO, la rédaction du cahier des charges, le contrôle de son respect et la production de raisins et de vins sont sous la responsabilité de trois acteurs différents.
    Les vins à certification environnementale insistent sur la démarche de l’exploitation plutôt que de promouvoir les démarches par filière agricole.

Malgré la diversité des labels, marques et certifications disponibles pour différencier les vins, la viticulture connaît aujourd’hui une période difficile : manque de compétitivité, perte d’intérêt aux yeux du consommateur, réglementations en perpétuelle évolution, etc. Quelles sont les raisons à ce désintérêt pour le vin ? Quels peuvent être les pistes de réflexion et les leviers à mobiliser pour dynamiser cette filière viticole aujourd’hui en perte de vitesse alors qu’elle est à l’origine d’une réputation mondiale de notre territoire ?

Avoir un des labels « vins bio » : la future norme ?

A l’échelle française, une étude menée par France AgriMer analyse l’évolution de la consommation d’alcool au domicile principal (hors consommation en vacances, restaurants, cafés, etc.). Sur les dix dernières années (2008 à 2017), la consommation de vin par ménage a diminué de 23% ce qui représente 1 bouteille par mois en moins. Ce recul est essentiellement dû à une chute de la consommation de vin rouge (- 37% en 10 ans, soit 9 litres par an par ménage). A l’inverse, le marché du vin produit sous label agriculture biologique, à l’échelle régionale Nouvelle-Aquitaine, augmente de 10% par an[1] depuis les cinq dernières années. La mise en marché des vins certifiés HVE, Terra Vitis, ou logotés naturels est trop récente pour évaluer l’évolution de ce marché, encore précoce.

Une partie de ces labels viticoles permet de répondre aux attentes sociétales et touche un public plus large grâce aux valeurs vertueuses défendues et aux systèmes de gouvernance proposés. Néanmoins, le monde viticole reste incertain en ce qui concerne la durabilité de ces modèles économiques pour les viticulteurs et l’impact environnemental des pratiques à long terme. Une étude prospective réalisée par l’institut britannique IWSR en 2018 estime que la différence moyenne de prix, en France, entre une bouteille de vin biologique et conventionnel s’élève à 33%. Aujourd’hui considérés comme une niche commerciale, les vins bios pourraient devenir, à moyen terme, la norme pour répondre à la demande consommateur. Sans effet de différenciation qualité, le consentement à payer pourrait diminuer et ainsi annuler l’effet de levier économique pour le viticulteur…

Considérée comme une étape plutôt qu’une finalité, la viticulture biologique abonde dans le sens d’une agriculture à impact environnemental réduit pour des retombées économiques positives à l’échelle de l’exploitation. Pour plus de durabilité, la recherche et l’innovation sont deux leviers majeurs et pertinents à solliciter pour concevoir des modèles technico-économiques qui répondent aux enjeux sociétaux, environnementaux et réglementaires de demain. Conscient de ces enjeux, Vertigo Lab accompagne la cave coopérative des Vignerons de Buzet pour poursuivre leur engagement vers une viticulture agroécologique via le programme VitiREV, lauréat du Programme d’Investissement Avenir financé par l’Etat.

Bibliographie

https://www.mon-viti.com/articles/viticulture/ab-terra-vitis-et-hve-quelles-differences-en-viticulture

https://www.bordeaux.com/fr/Vignoble-engage/labels

Les vins Naturels

Les vins SAINS

Biocohérence

Nature & Progrès

Demeter

INAO

Etude France Agrimer – 2019 – « Évolution des achats de boissons alcoolisées par les ménages français pour leur consommation à domicile, entre 2008 et 2017 »
https://www.larvf.com/vin-bio-le-marche-francais-devrait-quasiment-doubler-d-ici-2022,4604404.asp

[1] Source : Matinée Innovation organisée par le cluster Innovin – intervention du syndicat vin des bios Nouvelle-Aquitaine