La Sélection du Lab #16 – Pokédéchets GO, Hoali, les applications vertes dérivées de Pokémon GO

Par mars 13, 2017Sélection

Chaque semaine, le Lab sélectionne un document ou projet jugé particulièrement intéressant et pertinent et le présente en quelques lignes. Cette semaine dans la sélection du Lab, nous vous proposons de faire un point sur quelques-unes des applications et initiatives inspirées du jeu mobile Pokémon GO. 

Qui n’a pas entendu parler de Pokémon GO ? Véritable phénomène de l’été 2016, l’application mobile a séduit des millions d’utilisateurs à travers le monde : depuis les fans inconditionnels du célèbre manga des années 2000 jusqu’à la Première ministre norvégienne Erna Solberg [1]. Le jeu en réalité augmentée a suscité un tel engouement que durant plusieurs semaines, il était quasiment impossible de fréquenter les lieux publics sans croiser un dresseur de Pokémon ou affronter une meute de joueurs tentant d »attraper un spécimen particulièrement rare. Et pour cause : le jeu a été téléchargé plus de 100 millions de fois depuis son lancement en juillet dernier.

A la frontière entre le monde réel et le monde virtuel, Pokémon GO soulève de nombreux débats. Si certains ne voient en ce jeu qu’une étape de plus vers la virtualisation de notre société ou encore une chasse aux données personnelles, d’autres y trouvent de nombreux bienfaits. Il aurait tout d’abord un impact positif sur la santé (aussi bien mentale que physique). En obligeant les joueurs à sortir de leurs quatre murs, il lutterait en effet contre la sédentarité. Il permettrait par la même occasion de se sociabiliser plus facilement et serait même source d’enseignement. En créant leur Pokédex, outil de recensement des espèces de Pokémon capturées, les utilisateurs seraient par exemple, à travers le parallèle avec de vraies espèces animales, davantage sensibilisés à la biodiversité.

Mais pourquoi ne pas profiter de ces nouvelles technologies, des outils de géolocalisation et des caméras de smartphones à notre disposition pour encourager les changements de comportement et notamment en matière de préservation de l’environnement ? C »est le concept désormais bien connu de « gamification » (ludification en français), visant à encourager les bons comportements à travers une démarche ludique [2]. Cette question, d’autres utopistes se la sont posée et se sont inspirés de Pokémon GO pour relever le défi. C’est le cas de Gabriel Michenzi, Luis Ferreira et Arnaud Martig, trois jeunes suisses, qui ont créé le jeu Pokédéchets GO. Vous l’aurez compris, dans ce jeu, il ne s’agit plus de partir à la chasse aux Pokémon sauvages mais bien à celle des déchets sauvages. Les joueurs, munis de sacs poubelles et de gants, doivent ramasser un maximum de déchets et partager une photo de leur butin sur la page Facebook du jeu [3]. Chaque mois, les plus grosses récoltes sont récompensées [4]. La photo ci-dessous illustre le résultat d’un nettoyage réalisé à travers Pokédéchets GO.

Avant/ après d »un nettoyage réalisé via Pokédéchets GO

Sur la même thématique, Alexandre Solacolu, Philippe Carrez, Buno Sroka et Hugues Bosvieux, originaires de Saint Brieuc, développent actuellement l’application Hoali [5]. Ici, le but est de débarrasser les océans des déchets, en les ramassant avant qu’ils ne l’atteignent. Disponible dans quelques semaines, l’application indiquera à l’utilisateur la poubelle la plus proche, à la manière d’un Pokéstop, pour y jeter ses déchets récoltés. Chaque joueur pourra à son tour cartographier les poubelles manquantes sur la carte interactive. Ce jeu ne prévoit pas de récompense pour les utilisateurs, mais quoi de plus valorisant que de participer à la préservation des océans ! Les joueurs pourront par ailleurs mesurer l’impact de leurs actions sur l’état de santé des océans.

Lors de la troisième conférence des parties prenantes de l’Atlantique qui a eu lieu à Dublin le 27 septembre dernier et durant laquelle Vertigo Lab a animé un atelier consacré à l’innovation ouverte, un groupe de travail dédié à la problématique des déchets marins a également soulevée l’idée d’un Pokétrash GO. Cette réflexion est née du constat que les actions de sensibilisation comme les opérations de nettoyage des plages restent trop ponctuelles. L’option de la ludification de la collecte des déchets du littoral a donc été explorée pour rendre cette action plus attractive. Les idées qui ont émergé de ce groupe de travail ont convergé vers le développement d’une application inspirée du jeu Pokémon GO, couplée à un système de points récompensant les meilleurs chasseurs de déchets. Les points cumulés leur permettraient par exemple, de recevoir des offres promotionnelles des commerçants locaux ayant adopté une politique de réduction des déchets et d’emballages.

Les participants de l’atelier BlueLabs.I/O de Vertigo Lab à Dublin ont pu compter sur un allié de poids dans l’adaptation du jeu pour la lutte contre les déchets marins !

Le caractère incitatif et ludique est le principal point commun à ces différentes initiatives. De l’interdiction des voitures trop anciennes dans le centre-ville de Paris à la mise en place d’une écotaxe, l’écologie punitive, qui pointe du doigt les mauvais comportements, est loin de faire l’unanimité. Les initiatives présentées dans cet article misent au contraire davantage sur l’effet d’entraînement en jouant sur l’aspect ludique de la démarche et en montrant l’importance de l’échelle individuelle. Le comportement individuel, souvent noyé dans le comportement collectif lorsqu’il s’agit de dénoncer les problématiques environnementales, est ici remis en valeur. Par ailleurs, les applications comme Hoali, qui mesurent l’impact de l’action réalisée par le joueur, présentent l’avantage de traduire son geste en un résultat concret, ce qui peut d’autant plus motiver l’engagement sur le moyen-terme.

La pérennité de ces initiatives peut malgré tout poser question. Les applications telles que Pokémon Go sont en effet souvent liées à un effet de mode : deux mois après sa sortie, le succès du jeu s’essouffle déjà. Pour défendre la cause environnementale de manière plus durable, le développement de nudges écoresponsables se présente comme une solution alternative. Nés des travaux de l’économie comportementale, les nudges ont pour but d’inciter l’individu à modifier son comportement sans utiliser la culpabilité ni la punition. Lors de son prochain séminaire, l’équipe de Vertigo Lab tentera de développer et tester un nudge vert dans une des villes du sud-ouest. On vous en dit plus dans quelques semaines…

[1] http://www.lexpress.fr/insolite/norvege-la-premiere-ministre-surprise-en-train-de-jouer-a-pokemon-go_1838517.html

[2] Pour plus d’informations à ce sujet, vous pouvez consulter le hors-série de 2013 de Courrier International à l’adresse suivante : http://www.courrierinternational.com/magazine/2013/2013-4-la-vie-est-un-jeu

[3] Pour consulter la page Facebook du jeu : https://www.facebook.com/PokeDechetsGo/

[4] Les récompenses ne sont dévoilées qu’une fois le ou la gagnant(e) identifié(e).

[5] Pour consulter la page d’Hoali : http://hoali.org/